Lorsque l’on parle d’évaluer la situation financière d’une entreprise lors d’un achat, d’un financement, ou afin de fixer un prix à une transaction, souvent les gens ne jurent que sur le «BAIIA» (bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements). En anglais on parle de l’ «EBITDA»(earnings before interest, tax, depreciation and amortization). En enlevant les dépenses non-opérationnelles (intérêts, amortissement, taxes) en théorie le BAIIA est supposé présenter la profitabilité la plus «pure» pour l’entreprise.

Le BAIIA est depuis longtemps LA mesure de performancesur laquelle tous se basent (gens financiers, gens en affaires, banquiers ou monsieur et madame tout le monde!). En fait, la meilleure mesure de performance pour évaluer la situation financière d’entreprise est et sera toujours les flux monétaires qu’elle génère. En d’autres mots, le «cash flow». Pour plusieurs le BAIIA est exactement cette mesure de performance qui indique combien l’entreprise génère en «cash». Alors je vous invite à vous poser la question suivante : Qui paye pour le ‘I’ de l’impôt, l’autre ‘I’ desintérêts et le ‘A’ de l’amortissement?? En contexte d’évaluation d’entreprises il m’arrive souvent d’avoir le propriétaire me donner le BAIIA en me disant que c’est ce que l’entreprise génère! Je suis moi-même propriétaire d’entreprises et je vous assure que ces trois éléments finissent par sortir des liquidités de mes compagnies! Les flux monétaires qu’une entreprise est capable de générer est exactement ce qu’elle est capable de verser à ses actionnaires, les investisseurs, donc est par le fait même le meilleur indice de mesure de la performance d’une entreprise. En d’autres mots, c’est ce qui retourne dans leurs poches. Leur réel retour sur investissement (ROI for return on investment). Et ultimement, c’est ce qui compte le plus. Voyons qu’est-ce que chacun de ces éléments représente dans une entreprise.

Amortissements

Nous entendons souvent dire «la dépense d’amortissement est une dépense théorique qui n’est pas une vraie sortied’argent». Il est vrai que la dépense d’amortissement est une dépense comptable qui n’est pas une sortie de fonds au moment qu’elle est comptabilisée. L’amortissement se calcule en prenant le coût d’acquisition de l’actif tangible qu’on amortit sur sa durée de vie utile. Il faut donc comprendre que lors de l’acquisition de l’actif, toute la sortie de fond se fait a cette étape (à moins d’un contrat de location-acquisition).  Si j’achète une entreprise dont les immobilisations viennent tous d’être acquis et dont il s’écoulera quelques années avant que j’aie à les remplacer, je pourrais en effet ignorer la dépense d’amortissement pour les prochaines quelques années. Mais éventuellement il y aura une grosse sortie de fond importante à prévoir….et vice-versa. C’est pourquoi en contexte d’évaluation d’entreprises il est important de connaître l’âge des immobilisations et leur niveau de désuétude. Posez-vous la question : préférez-vous acheter une entreprise avec des immobilisations récentes, ou pour le même prix, la même entreprise avec les même immobilisations mais plus âgées? Pourtant dans les deux cas le BAIIA qu’elle génère est le même? Donc il faut évaluer le «timing» de la sortie du cash flow.

Intérêts

La dépense d’intérêts dépend de la structure de capital de l’entreprise, donc la relation entre le montant de dettes et l’équité. Ce mix est propre à chaque propriétaire, car l’un peut favoriser un apport de ses poches (donc plus d’équité) pour réduire la dette et donc avoir moins de dépenses d’intérêts tandis qu’un autre propriétaire pourrait maximiser la dette dans lequel cas l’entreprise aurait une plus grande charge d’intérêts. Puisque cette dépense dépend de la structure du capital choisi par le propriétaire et n’est pas généré par les opérations de l’entreprise nous avons tendance à l’ignorer. Cependant, chez un investisseur aguerri il est normal de vouloir utiliser le maximum d’effet de levier financier (la dette) et de réduire sa propre mise de fond (l’équité). C’est ainsi qu’il augmentera son retour sur investissement, le ROI. Cette dépense est donc réelle et tout à fait normale dans une entreprise standard. Pour un acheteur/investisseur, il est important de faire l’analyse en prenant en considération la structure de financement qui sera intégrée lors de l’évaluation de l’entreprise(l’investissement). Ainsi il sera en mesure de quantifier le réel retour sur son investissement.

Impôts

La dépense d’impôt, bien que moins pertinente à regarder est quand même importante à regarder puisqu’elle diffère d’une entreprise à une autre. Au Québec, sans rentrer dans le détail de tous les taux d’imposition possibles, nous avons qu’à penser à une entreprise de services qui utilise la déduction pour petite entreprise (DPE) en dessous de 5 500 heures rémunérées par année qui sera imposée à 20.6% (en 2019) vs. celle qui rémunère plus de 5 500 hrs qui sera imposée à 17%. C’est sans parler d’une entreprise qui n’est pas admissible à la DPE ou une entreprise qui évolue dans le secteur primaire ou manufacturier qui bénéficie d’uncrédit d’impôt additionnel ou encore les entreprises qui génèrent du revenu de placement. Donc, de comparer les entreprises entre elles en regardant seulement leur bénéfice avant impôt est incomplet. En bout de ligne, l’impôt est une sortie de fond et doit être pris en considération pour calculer le vrai retour sur investissement. 

En conclusion, l’argument le plus fort en faveur du BAIIA est qu’il donne la performance financière en faisant abstraction des politiques comptables, de la règlementation en taxes et de la structure du capital. Il est un bon indicateur qui se rapproche de celui du «cash flow», particulièrement pour les petites entreprises ou les opérations comptables se rapprochent beaucoup des mouvements de trésorerie. Cependant, que vous soyezpropriétaire ou un futur acheteur d’une entreprise, c’est un investissement que vous devez évaluer et à cet égard les flux de trésorerie générés qui tiennent compte de l’amortissement, l’intérêt et l’impôt, sera toujours le meilleur indicateur de retour sur votre investissement (ROI).Partagez cette publication