« Les bénéfices par 4 ou 5! » – L’une des certitudes que j’ai appris en devenant évaluateur d’entreprises est que, aucun beau-frère, ou voisin ou autre ‘Joe je sais tout’, à partir de leur salon, devant le foyer, avec coupe de vin à la main, ne peut recommander à quelqu’un un multiple magique permettant d’évaluer une entreprise en quelques minutes.

Le blogue suivant vous donne une des formules que les évaluateur professionnels utilisent afin de connaitre le bon multiple pour évaluer une entreprise. Tout d’abord, qu’est-ce que le ‘Multiple’ :

Le multiple à utiliser sur les bénéfices est l’inverse du taux de rendement qu’un investisseur va vouloir obtenir pour une entreprise spécifique. Si le taux de rendement recherché pour une entreprise spécifique est de 25%, alors le multiple à utiliser pour calculer la valeur de l’entreprise sera de 4x les bénéfices (l’inverse de 25% = 100/25 = 4). Identifier le bon taux de rendement pour une entreprise constitue l’un des plus grands enjeux pour l’évaluateur professionnel lors d’une évaluation d’entreprise. Il existe deux critères importants afin de déterminer le bon taux de rendement : 1) Le taux de rendement doit être le même que celui présentement offert pour un investissement de même type, même grosseur, même condition financière, etc. ; 2) Le taux de rendement doit être consistant avec le type de bénéfice caractéristique qui est capitalisé. Les différents types de bénéfices sont les suivants : le bénéfice avant impôt (BAI) ; le bénéfice avant impôt, intérêt et amortissement (BAIIA) ; le bénéfice net après impôt ; les flux monétaires discrétionnaires, etc.). Par exemple, il est possible d’en arriver à un multiple de 6x les bénéfices nets après impôt caractéristique OU utiliser un multiple de 5x fois le BAIIA. Par contre, les deux conclusions doivent donner la même valeur;

Le multiple des bénéfices (ou le taux de rendement) est entièrement relié au risque de l’investissement. Le risque est composé du risque de marché, risque d’industrie, risque lié à la taille de l’entreprise, risque interne spécifique à l’entreprise, etc.

Voici une des nombreuses façons de déterminer quel ‘Multiple’ (ou taux de rendement) utiliser sur les bénéfices de l’entreprise :

  1. Taux sans risque : ici il faut prendre le taux des obligations long terme du Gouvernement du Canada (ou la Fed américaine si c’est une entreprise américaine) à la date de transaction. Dépendamment de la durée que nous estimons que l’entreprise demeurera en opération, on doit prendre le terme de l’obligation qui y correspond. Généralement, le taux sur les obligations 10 ou 20 ans est choisi;

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  1. Prime de marché : celle-ci représente le rendement moyen annualisé, au-dessus du rendement des obligations (taux sans risque), qu’un investisseur aurait reçu pour des actions ordinaires se transigeant publiquement à la bourse depuis le début de la bourse à aujourd’hui. Généralement, le TSX est pris en compte (si c’est une entreprise américaine, c’est généralement le S&P 500);

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  1. Prime de l’industrie : quelques industries sont plus risquées que d’autres. Pensez simplement à la différence d’investir dans le secteur des matières premières qui est très risqué vs. investir dans le secteur des services financiers ou les institutions financières génèrent de bons résultats stables. il est important de considérer une prime de risque à cet égard;

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  1. Prime liée à la taille : il est généralement connu que le rendement dans une plus petite entreprise est souvent plus élevé que le rendement dans une plus grande entreprise. Prenons les entreprises cotées à la bourse, acheter des actions de grandes entreprises est beaucoup moins risqué que d’acheter des petites capitalisations. L’évaluateur possède des données lui permettant d’estimer cette prime;

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  1. Prime de risque spécifique à l’entreprise : il est essentiel de considérer le risque interne spécifique à l’entreprise évaluée. Par exemple, est-ce que l’entreprise est nouvelle? Est-elle une ‘leader’ dans son industrie? Est-ce que l’équipe de direction est compétente? Est-ce que l’entreprise manque de capitaux? Y a t’il du personnel indispensable à l’entreprise? Etc.

  1. Après avoir additionné toutes les composantes de risque ci-dessus, il est essentiel de soustraire le taux de croissance moyen à long terme estimé de l’entreprise. Celui-ci est généralement composé de l’inflation et de la croissance réelle de l’entreprise pouvant être atteinte sans investissement de capital additionnel;

=

  1. Taux de rendement des flux de trésoreries nets pour l’année prochaine ;

/

  1. (1 + taux de croissance);

=

  1. Taux de rendement des flux de trésoreries nets pour l’année en cours.

La formule ci-dessus vous donnera le taux de rendement sur un bénéfice caractéristique de flux de trésoreries nets. Pour dériver le taux de rendement en multiple, la formule est la suivante:

1 / taux de rendement = multiple 

Exemple, si le taux de rendement calculé est de 25%, le multiple sera de: 1 / 25% = 4

Je mentionne souvent que le taux de rendement calculé peut être entre 7% et 50%. C’est dire que le multiple des bénéfices peut être aussi peu que 2x et aussi élevé que 15x! Une très grosse banque, bien établie, leader dans son industrie, en très bonne santé financière et avec une excellente réputation pourrait avoir un multiple de près de 15x, tandis qu’une très petite entreprise, en démarrage, dans le secteur minier aurait un multiple très faible. Encore faudrait-il que cette entreprise génère des bénéfices pour utiliser la méthode du multiple. Sinon, d’autres méthodes d’évaluation d’entreprises seraient plus appropriées. Pour plus d’information, je vous invite à lire le blogue suivant:

Quelle est la meilleure méthode pour évaluer votre entreprise?

Sélectionner le bon multiple des bénéfices constitue seulement l’une des nombreuses étapes nécessaires au processus d’évaluation d’entreprises. Voici dans l’ordre les autres étapes, et à quel moment ‘sélectionner le bon multiple’ doit se faire :

  1. Analyse financière de l’entreprise : il importe de bien analyser les états financiers de l’entreprise pour connaitre sa capacité à générer des marges bénéficiaires, son endettement, sa capacité à palier à ses engagements à court terme (analyse du fond de roulement). Cette étape est effectuée au départ et influencera le taux de rendement et/ou bénéfice caractéristique;
  2. Normaliser les états financiers (bilan et état des résultats): cette étape consiste à redresser les états financiers afin présenter la vraie capacité financière de l’entreprise. Cette étape impactera le bénéfice caractéristique;
  3. Sélectionner le bénéfice caractéristique à utiliser. Cette étape précède le calcul du multiple à utiliser;
  4. Sélectionner le multiple (taux de rendement) à utiliser sur les bénéfices caractéristiques;
  5. Ajouter à la valeur des opérations, les actifs excédentaires;
  6. Considérer les escomptes : plusieurs escomptes doivent être considérés dans l’évaluation d’une entreprise. Les escomptes de minorité et de liquidité sont les plus populaires;
  7. Le jugement de l’évaluateur professionnel est omniprésent à toutes les étapes du processus d’évaluation;
  8. Etc.

J’évite d’expliquer en détail chacune des étapes ci-dessus, peut-être je m’y attaquerai dans un futur blogue.

En terminant, j’espère que vous aurez compris qu’il n’y a pas de ‘multiplicateur standard’ qu’on peut utiliser pour évaluer une entreprise en quelques minutes. Chaque entreprise nécessite une analyse approfondie de ses propres risques. J’espère que ce blogue vous aura aidé à comprendre le fameux ‘multiple’ auquel tant de propriétaires, investisseurs et professionnels font tant référence.

Pour plus d’informations, je vous invite à communiquer avec moi!